Quand j’étais moi-même ado, je me souviens que mes potes et moi avions un langage particulier, émaillé de « verlan » qui venait de démarrer et de quelques mots empruntés à l’arabe aussi.
Je me souviens de mes parents un peu interloqués face à ces expressions qu’ils ne comprenaient pas toujours.
Ils s’y essayaient pourtant. Mais lorsqu’ils avaient enfin réussi à apprivoiser certains de nos mots d’ados, il était déjà trop tard. Ils avaient été remplacés par d’autres plus neufs. Je les regardais alors comme des dinosaures, n’osant imaginer qu’un jour ils avaient été eux aussi des ados avec des mots bien à eux face à une (sans doute encore plus grande) incompréhension de leurs parents.
Et voici qu’aujourd’hui c’est moi le dinosaure.
Depuis des années, je suis larguée. Totalement.
Passe encore le décryptage des SMS que, grâce à une longue expérience de prises de notes express à la fac, je parviens le plus souvent à vaguement comprendre. Du vsy (vas-y, expression extrêmement répandue) au dsl (désolée, moins courant) en passant par vrmt (vraiment), pk (pourquoi) tkt (t’inquiètes – plutôt inquiétant en général d’ailleurs) jsp (je sais pas), je parviens à peu près à me maintenir à la sfce (surface). Pourquoi d’ailleurs écrire les mots en entier quand on peut les condenser ? Ca gagne du temps et de l’énergie. En revanche, question vocabulaire et orthographe, Voltaire doit se retourner dans sa tombe.
Mais alors à l’oral, je suis nettement moins souague (je ne sais d’ailleurs pas si cette expression est toujours d’actualité – hou le dinosaure).
Je découvre qu’on ne dit plus ouaiche (ouf) ni joint (maman ça fait 50 ans !) ni daron (enfin ! je détestais ce mot), qu’on dit « genre » à tous les coins de phrase, même d’ailleurs quand on n’est plus ados. Qu’un joint c’est un bedave. Qu’on dit « frère » à sa copine même si c’est une fille et qu’on n’a aucun lien de parenté. Qu’on dit « meuf » à n’importe qui (même à moi parfois -oups). Et que certains mots qui pour moi sont assez basiques, comme le mot « ludique », échappent totalement à l’entendement de mes ados (enfin surtout n°2). Ludique donc signifierait « qui rapporte de l’argent ». Ouaiche.
J’ai tenté une discussion avec n°2, essayant d’obtenir une sorte de lexique qui me permettrait d'avoir une meilleure compréhension des voies impénétrables de ses conversations entre copines. « Grave », m’a t’elle dit. Enfin j’ai compris ça. En fait elle m’a dit « t’es grave ». Grosse nuance. Car « grave » tout seul, ça veut dire « super d’accord » ou quelque chose du genre. Alors que « t’es grave » manifeste une opposition assez nette. C’est à dire le contraire.
Certaines de mes copines aussi me disent parfois « grave » quand elles sont super d’accord avec moi.
La preuve qu’on n’est finalement (peut-être) pas encore des dinosaures après tout.
Bonsoir.
En lisant votre post j'ai la nette impression qu'il y a un fossé non pas entre les parents et les ados mais entre les ados de région parisienne et ceux de la province ou ceux de la ville et ceux de la campagne !! Mes enfants de 16 et 20 ans me parlent "normalement"